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Les glaces, le seuil de réchauffement de +1,5°C et la ligne de crête entre espoir et inquiétude.

Au risque d’un piètre jeu de mots : le podcast « chaleur humaine » du journal Le Monde a publié ce dimanche 27 août un entretien plutôt « glaçant » de la glaciologue et exploratrice française Heïdi Sevestre. Si le message d’espoir proposé en conclusion est très bienvenu, il me semble appeler quelques remarques…


La scientifique rappelle le rôle clé des glaces dans le fonctionnement du système Terre.

En particulier : « Je pense qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont. Pour l’instant, nos observations sur le terrain sont pires que les pires modèles de prévisions de nos modèles mathématiques. Les choses sont vraiment en train de s’accélérer, au point que le rythme de notre science n’est pas assez rapide.
(…)
Les calottes polaires ont un point de bascule que l’ont arrive de mieux en mieux à cerner. Si, par exemple, le Groenland (…) venait à perdre sa glace, il y aurait une montée du niveau des mers d’à peu près 7 mètres. (…) On sait que ce point de bascule est autour de +1,5 °C.
(…)
Si on dépasse ce seuil de température, pas simplement pendant quelques semaines ou quelques mois, si on le dépasse allégrement, on va déclencher un phénomène irréversible de déstabilisation de ces calottes polaires. Par exemple, pour le Groenland, sa perte de glace, au-delà de ces limites, ne pourra plus être arrêtée. »

L’entretien se termine ainsi : « J’ai de l’espoir parce que je sais que les solutions sont déjà là, qu’on a toutes les cartes en main aujourd’hui pour éviter le pire. » (…) Pour moi, il est très clair que, si on arrive à rendre ces connaissances scientifiques accessibles au plus grand nombre, la montagne que l’on a devant nous, on va pouvoir la gravir. »

Partager l’information, c’est indispensable. Le besoin d’espoir est bien compréhensible. Est-ce suffisant ?

Pour mémoire, le seuil de +1,5° de réchauffement global est l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat. Et l’évolution des émissions de gaz à effet de serre est encore loin, très loin d’être sur la bonne trajectoire, avec une nouvelle progression de 0,6 % en 2022, certes limitée mais largement divergente de la cible de baisse de… en principe, 7,6% par an entre 2020 et 2030 !

Selon l’Agence Internationale de l’Energie, des « voies crédibles » vers l’objectif de +1,5° supposent d’ici à 2030, notamment :

  • un triplement de la capacité de production des énergies renouvelables ;
  • net zéro déforestation ;
  • capacité de capture de carbone de 1,2 Gt CO2 contre 0,3 prévus à ce jour et une capacité installée de… 0,046 en 2022 ;
  • une baisse de 45 % des émissions de méthane.

 

Dans « L’événement Anthropocène », Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz soulignent que « le moment contemporain n’est pas celui d’une prise de conscience, ni celui d’un sursaut moral conduisant vers une humanité meilleure et une bonne planète faite de géogestion durable ou de réconciliation avec Gaïa. Nous ne sommes pas soudainement passés de l’inconscience à la conscience. (…) L’un des aspects déterminants dans l’histoire de l’Anthropocène fut la capacité à rendre politiquement inoffensives les dégradations et les critiques ».

Loin d’un constat d’impuissance, l’ouvrage se conclut lui aussi sur un appel à l’action.

Dans un contexte où la demande et l’offre de « récits » de « futurs désirables » ne font que croître, il me semble opportun de nuancer fortement les messages selon lesquels « les solutions sont là ». Beaucoup de pistes d’action existent et c’est heureux. Mais partager l’information n’est qu’un préalable nécessaire sur le laborieux et incertain chemin d’insertion des activités humaines dans les limites planétaires… Et l’évaluation et l’anticipation des risques sont plus que jamais d’une urgente nécessité.

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