Les dégradations de l’environnement liées aux activités humaines appellent une transformation profonde de la quasi-totalité des sociétés actuelles. Une multitude de plans, stratégies et actions de « développement durable » ont été mis en œuvre de longue date, à toutes les échelles. Les nouvelles propositions sont innombrables. Mais même dans un domaine crucial comme l’agriculture, obtenir des résultats à la hauteur des besoins apparaît loin d’être acquis.
Ces questions se situent à des niveaux maximum en termes d’enjeux pour l’humanité, de complexité, de conflictualité… dans un contexte de crise économique et sociale majeure (COVID) et de grande incertitude qui ne garantit en rien l’avènement d’un nouveau monde à la fois soutenable et désirable.
Réduire les niveaux d’illusion et de confusion dans le « monde d’après » pour peut-être, faire mieux que les Shadoks, consisterait à mieux traiter trois préalables, trois évidences :
- De la m-é-t-h-o-d-e : évaluation réaliste des risques, définition de priorités en conséquence, adéquation entre objectifs et moyens ;
- Une information complète, rigoureuse et éclairante, diffusée massivement ;
- Une participation citoyenne de proximité.
SOMMAIRE
- Enjeux environnementaux, un bref rappel : dix « limites planétaires » dont cinq en dépassement ou sur le point de l’être.
- Développement durable versus décroissance volontaire : match nul car sans objet ?
- Les plans et les stratégies aux échelles internationale et nationale apparaissent à la fois nécessaires, complexes et souvent décevants.
- A l’échelle territoriale, les collectivités agissent avec des leviers significatifs mais elles ne se suffisent pas à elles-mêmes.
- Les entreprises et individus ont besoin d’un changement de cadre.
- Ecologie et sécurité alimentaire : l’agriculture, un secteur clé dont la révolution se fait attendre.
- Le « monde d’après » : trois préalables face à Illusion & Confusion.
- 1- De la m-é-t-h-o-d-e : évaluation réaliste des risques, définition de priorités en conséquence, adéquation entre objectifs et moyens.
- 2 – Une information complète, rigoureuse et éclairante, diffusée massivement.
- 3 – Une participation citoyenne de proximité.
Enjeux environnementaux, un bref rappel : neuf « limites planétaires » dont quatre en dépassement ou sur le point de l’être.
Ces limites ont été identifiées et proposées en 2009 par une équipe internationale de 26 chercheurs. En 2015 une actualisation a introduit une hiérarchie entre les neuf limites en définissant la notion de « frontières planétaires centrales » (changement climatique et intégrité de la biosphère) et conclut que quatre limites planétaires sont aujourd’hui dépassées, ou sur le point de l’être (jaunes et rouges sur l’image ci-dessus, en gras ci-dessous).
En partant du haut du radar ci-dessus, dans le sens des aiguilles d’une montre :
- changement climatique ;
- entités nouvelles : plastiques, métaux lourds, pesticides… ;
- diminution de la couche d’ozone stratosphérique ;
- concentration des aérosols atmosphériques ;
- acidification des océans ;
- cycles biochimiques de l’azote et du phosphore (principalement du fait des activités agricoles intensives, dégradant la qualité des sols et des eaux) ;
- cycle de l’eau ;
- modification des usages des sols ;
- biodiversité : subdivisée en diversité génétique et fonctionnelle.
Pour la première fois en 2019, le rapport sur l’état de l’environnement en France a recouru à ce concept en comparant la situation mondiale à la situation nationale.
S’agissant du changement climatique, malgré l’abondance d’informations disponibles et une couverture médiatique de plus en plus grande, l’extrême gravité des conséquences est insuffisamment appréhendée et plusieurs phénomènes restent méconnus : risques d’emballement liés aux boucles de rétroaction (Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), août 2018), capacité d’adaptation des écosystèmes face à la rapidité du phénomène, quasi-irréversibilité…?
Voir les rapports du GIEC (Groupe International d’Experts sur le Climat) sur ce sujet. Au vu de l’évolution de la situation, de l’importance des efforts à fournir et en l’état des techniques disponibles, les objectifs de neutralité carbone en 2050 (issus de façon implicite de l’accord de Paris de 2015, en vue de limiter la hausse globale de la température à 1,5°c) apparaissent loin d’être acquis (tout comme les objectifs à moyen terme qui sont peut-être encore plus importants).
Quant à la chute de la biodiversité, si elle aussi a acquis une certaine visibilité, la prise de conscience de la menace est-elle suffisante ? (Le Monde, 9/11/2019 – Nature, 27/3/2018). Quid d’une éventuelle disparition des insectes d’ici un siècle, entraînant un « effondrement catastrophique de tous les écosystèmes naturels » ?
Parmi les autres limites, les changements d’affectation des sols (déforestation, artificialisation) et plus encore la perturbation du cycle de l’azote et du cycle du phosphore (dégradation des écosystèmes, épuisement de la ressource nécessaire à l’agriculture moderne…) se situent eux aussi aux niveaux de criticité les plus élevés. Outre ces limites, la contrainte sur les ressources, notamment divers métaux et minéraux si nécessaires au développement des énergies renouvelables, ne peut être négligée (cf. par exemple note ADEME, juin 2017).
Les chercheurs ayant contribué à rassembler ces neuf limites admettent la part de flou dans leur démarche, dans la mesure où des seuils de rupture ne sont pas identifiables de façon précise. Ils ont donc complété la notion de limite par celles de frontière ou de borne, qui renvoient à l’estimation, en partie subjective, des niveaux de risque que la société est prête à prendre. Il reste que ces constats sont suffisamment documentés et les risques bien assez élevés pour appeler à une transformation profonde de la quasi-totalité des sociétés actuelles et les amener à s’interroger sur leur modèle de développement.
Développement durable versus décroissance volontaire : match nul car sans objet ?
Au-delà des incantations, les faits sont têtus : la « croissance verte » à ce jour n’existe pas, en tout cas pas à l’échelle mondiale (la seule échelle qui compte réellement). Hors accidents subis (crise de 2008, covid-19…), les émissions globales de gaz à effet de serre n’ont jamais décru de façon significative depuis le début du recours massif aux énergies fossiles. Bien peu de pays voire aucun ne réussissent à associer Indice de Développement Humain et Empreinte Ecologique satisfaisants, ou engager un découplage absolu entre croissance économique et impacts environnementaux (Footprint Network, 2016).
Les projections de découplage absolu reposent sur des paris qui sont pour le moment contredits par les faits (CO² ou PIB, il faut choisir – Jean-Marc Jancovici, 29/8/2019).
En outre, même si les inquiétudes sur l’approvisionnement en énergies fossiles ont longtemps été contredites, le pic de production du pétrole conventionnel est passé depuis une dizaine d’années. Les projections de l’Agence Internationale de l’Energie posent de sérieuses questions, y compris quant à la capacité des renouvelables à prendre le relais. (World Energy Outlook 2019)
Ainsi l’éventualité d’une décroissance subie, potentiellement brutale, apparaît de plus en plus probable. Pour autant, le scénario d’une décroissance volontaire et pilotée, ayant pour but d’amortir le crash, apparaît bien difficile à mettre en œuvre en termes d’acceptabilité sociale, dans un contexte de compétition pour la captation de ressources et de richesses. Mise à jour – octobre 2020 : la Chine annonce un objectif de neutralité carbone d’ici à 2060. C’est une bonne nouvelle et qui vivra verra. Mais il n’est en aucun cas question de décroissance. Le miracle du découplage aura-t-il lieu ?
L’absence persistante de conciliation entre développement humain et soutenabilité environnementale est difficile à admettre. Elle n’est peut-être pas une fatalité. Quoi qu’il en soit, cette apparente double impasse ne doit pas occulter l’intérêt des différentes politiques déjà mises en œuvre, utiles à tous les niveaux même si pour les plus « macro », l’écart entre les objectifs et les résultats est souvent flagrant.
Les plans et les stratégies aux échelles internationale et nationale apparaissent à la fois nécessaires, complexes et souvent décevants.
L’échelle internationale est bien entendu indispensable, ne serait-ce que sur le climat. Hélas selon une étude portée par divers centres de recherche sur le climat, seule une petite minorité de pays avait engagé en 2018 des actions cohérentes avec le respect de l’accord de Paris de 2015. Il faut pourtant persévérer, afin de continuer à construire un cadre commun.
Les Objectifs de Développement Durable de l’ONU ont le grand mérite de mettre en commun des objectifs et des indicateurs et d’engager les pays dans un mécanisme de remontée d’informations, consolidées par les agences onusiennes. Mais pour ne prendre qu’un exemple, le même ONU reconnaît les échecs massifs en termes de préservation de la biodiversité : « World fails to meet a single target to stop destruction of nature (2020) ». Tout en maintenant l’ambition de découpler croissance économique et impacts environnementaux…
De même, les plans nationaux montrent eux aussi des écarts en général flagrants entre objectifs et résultats et ce n’est pas une surprise : c’est aux niveaux « macro » que les plans sont les plus difficiles à négocier, élaborer et piloter. La situation globale des pays réputés volontaristes est souvent très contrastée, voir par exemple celle de la Norvège, pays souvent cité en exemple, dont la production d’énergie s’appuie fortement sur une ressource hydro-électrique spécifique et qui reste un des premiers pays européens producteurs d’hydrocarbures.
S’agissant de l’hexagone et sur le volet climatique, le Haut Conseil pour le Climat dans son Rapport annuel, juin 2019 rappelle que « la France conserve des émissions par habitant inférieures à la moyenne européenne », mais que son empreinte carbone « n’est pas maîtrisée en raison de la croissance de nos émissions importées ». Il constate qu’« en dépit d’un cadre institutionnel structuré, les objectifs fixés ne sont pas atteints. »
Quid de l’avenir proche ? Rien n’est acquis, selon la contribution du think-tank The Shift Project à la consultation sur le projet de Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui s’est déroulée du 20 janvier au 19 février 2020. Nul besoin d’expertise pour constater que chaque domaine d’activité est un univers de complexités, d’interdépendances, de « verrouillages socio-techniques » (comme indiqué dans divers ouvrages sur ce sujet) que les échelles « macro » peinent à traiter.
A l’échelle territoriale, les collectivités agissent avec des leviers significatifs mais elles ne se suffisent pas à elles-mêmes.
Les Régions en particulier via leurs schémas notamment les SRADDET (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), le programme régional pour l’efficacité énergétique, le schéma régional biomasse, stratégie régionale biodiversité…
Les communes et intercommunalités notamment via les Plans climat air énergie territorial (obligatoire si plus de 20 000 habitants), les plans d’urbanisme et l’ensemble de leurs politiques de proximité (notamment transports, énergie, déchets, logement).
Les départements dans une moindre mesure (eau, déchets, espaces naturels sensibles, appui en ingénierie…).
Les démarches contractuelles associant Etat, collectivités et autres acteurs locaux se développent, tels les Contrats de Transition Ecologique. Des coopérations à l’échelle de « bassins de vie » aboutissent à de beaux résultats, comme Biovallée, à l’origine démarche de réhabilitation de la rivière Drome, ayant permis en 20 ans, à un cours d’eau très dégradé de redevenir une rivière naturelle, libre et propre.
Une forte amplification des politiques environnementales au sein des territoires aboutirait sans aucun doute à des transformations considérables. Mais même dans cette hypothèse, les collectivités ne se suffiraient pas à elles-mêmes : non seulement parce que dans des domaines clés, nombre de décisions se jouent à l’échelle nationale et/ou européenne, mais aussi parce leurs marges de manœuvre en termes de moyens financiers sont limitées.
Les entreprises et individus ont besoin d’un changement de cadre.
Ce point sera traité rapidement. Les acteurs économiques ont bien entendu un rôle crucial à jouer, a minima via les démarches de « responsabilité sociale et environnementale » voire en transformant leur activité. Mais force est de constater que des modèles d’affaires à la fois viables et réellement « durables » au sens des limites planétaires, s’ils existent, peinent à se déployer à grande échelle.
Et les individus ? Sur le volet climatique, selon le Cabinet Carbone 4, un engagement réaliste des individus pourrait contribuer à environ 25% des efforts requis, ce qui est à la fois significatif et tout à fait insuffisant.
C’est donc un changement de cadre à toutes les échelles qui est nécessaire, en particulier dans les domaines identifiés de longue date comme prioritaires.
Ecologie et sécurité alimentaire : l’agriculture, un secteur clé dont la révolution se fait attendre.
Inutile de rappeler que l’agriculture est au cœur des questions environnementales : impacts sur le climat (10 à 25% des GES à l’échelle mondiale selon les sources et le périmètre retenu, tout en présentant un potentiel de stockage du carbone), la biodiversité, les cycles du phosphore et de l’azote… La sécurité alimentaire mondiale, très dépendante de chaînes logistiques complexes et pétro-alimentées, pourrait être fortement malmenée par les effets du changement climatique. Ne serait-ce qu’en termes de tensions sur l’eau, alors que l’agriculture représente environ 70% des prélèvements d’eau de surface et souterraines à l’échelle mondiale (Groupe d’experts sur la sécurité alimentaire et la nutrition, 2015).
La volonté de changement, renforcée par la crise sanitaire actuelle, n’est pas nouvelle. Mais pour le moment la révolution n’a pas eu lieu, y compris dans un pays comme la France qui reste un leader agricole mondial avec des pratiques parmi les plus encadrées par des normes environnementales. « Plan Ecophyto », « Ambition bio », préservation du foncier agricole… les rapports d’évaluation se succèdent et relèvent tous, bizarrement, la même chose : la réussite d’une stratégie, même pertinente, repose non seulement sur la pertinence de ses objectifs, mais aussi sur les conditions et modalités de sa mise en œuvre !
Le « monde d’après » : trois préalables face à Illusion & Confusion.
Les appels et propositions visant à engager enfin une vraie « transition » se sont multipliés et accumulés dans le contexte particulier de l’année 2020. Cet article n’a pas l’ambition d’en dresser un panorama, encore moins de les évaluer. Il s’agit simplement de constater que ces questions se situent à des niveaux maximum en termes d’enjeux pour l’humanité, de complexité, de conflictualité… dans un contexte de crise économique et sociale majeure et de grande incertitude, les meilleures intentions ne garantissent en rien l’avènement d’un nouveau monde à la fois soutenable et désirable.
Réduire les niveaux d’illusion et de confusion pour peut-être, faire mieux que les Shadoks, consisterait à mieux traiter trois préalables, trois évidences.
1- De la m-é-t-h-o-d-e : évaluation réaliste des risques, définition de priorités en conséquence, adéquation entre objectifs et moyens.
Les interactions entre les grands processus planétaires sont nombreuses : elles imposent d’y travailler de façon conjointe et cohérente, dans une approche dite « systémique ».
Une analyse de risques (risques physiques, risques de transition, risques géopolitiques…) et la définition en conséquence de priorités hiérarchisées, nouvelles politiques, stratégies et actions menées par les acteurs publics comme privés, doivent tenir compte conjointement de l’ensemble des limites planétaires concernées, en particulier les plus critiques. Le besoin d’interdisciplinarité apparaît conséquent.
Avec des variantes, tous les rapports sur ces sujets, qu’ils soient parlementaires ou issus de la « société civile », relèvent très largement la difficulté de la conduite du changement et le besoin de cohérence. Nombreux sont ceux qui proposent des pistes structurées et concrètes pour avancer, plutôt d’ordre politique ou technique selon leur nature : voir notamment le « Référentiel méthodologique» du Shift Project, qui suggère entre autres de mieux tenir compte des lois de la physique et des ordres de grandeur (!).
Mais chacun à leur façon, ces rapports renvoient à ce que le regretté Laurent Mermet soulignait très utilement : les limites du « décrétisme » et la nécessité, entre autres, de traiter les causes plutôt que les conséquences, tout comme les tensions entre les différents enjeux de tous ordres et ne rien éluder des efforts à fournir et de leur répartition (« le refoulement du distributif » : voir entre autres Agir face à l’urgence écologique : un nœud gordien 26/11/2018).
Cette question de la répartition des efforts à consentir est évidemment clé, en particulier vis-à-vis des populations les plus vulnérables qui subiront le plus les dégradations environnementales (c’est déjà le cas dans les parties du monde les plus exposées).
Elle résonne d’autant plus fort dans un contexte où les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire actuelle apparaissent d’ores et déjà énormes et qu’à ce jour :
- elles vont encore évoluer et ne peuvent donc être pleinement mesurées : voir notamment la diversité des scénarios proposés par l’association Futuribles ;
- la priorité n°1 à court terme est de limiter la casse et donc, à défaut de plan B actionnable immédiatement, redémarrer « comme avant » ;
- un quasi consensus de principe s’affiche autour de la prise en compte impérative des contraintes environnementales ; sa concrétisation n’apparaît pas acquise, même si de nombreuses pistes sont proposées (entre autres « faire coup double », « la reconstruction plutôt que la reprise )
2 – Une information complète, rigoureuse et éclairante, diffusée massivement.
En France, derrière une préoccupation environnementale largement partagée, les divergences restent fortes. La vingtième vague de l’enquête « Représentations sociales du changement climatique » réalisée par OpinionWay pour l’ADEME en 2019 montre que la prise de conscience environnementale est réelle. 57% des Français estiment désormais qu’il faut « complètement revoir notre modèle économique et sortir du mythe de la croissance infinie. » Mais pas besoin de creuser beaucoup pour trouver des limites…
32% de l’ensemble des Français et 52% des élus estiment que « il y aura des modifications de climat mais on s’y adaptera sans trop de mal ». Une très large majorité de répondants (ensemble comme élus) envisagent tout de même qu’il sera nécessaire de « prendre des mesures importantes.
Les résultats de cette enquête très riche et intéressante ne permettent malheureusement pas de mesurer ce que serait la perception de changements aussi importants que ceux suggérés par le cabinet B&L Evolution dans son étude « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C ? – 2018 » et seul l’enjeu climatique, certes majeur, est abordé.
L’abondance d’informations sur les enjeux environnementaux n’est synonyme ni d’exhaustivité, ni de pertinence, ni de facilité de compréhension. D’une façon générale trop peu de contenus dans la masse d’informations accessibles au « grand public », permettent d’appréhender facilement et globalement l’ensemble des enjeux, les actions déjà menées, leurs limites, les nouvelles propositions… aux différentes échelles territoriales.
Si des révolutions doivent être menées sur les questions environnementales, peut-être faudrait-il commencer par celle de l’information. Un saut qualitatif et quantitatif reste à fournir en termes de supports de synthèse (à plusieurs niveaux), et de valorisation des contributions associatives et citoyennes les plus structurées.
Quel rôle pour les associations d’éducation populaire, d’éducation à l’environnement ? autant d’acteurs déjà outillés, expérimentés, parfois voire souvent en manque de moyens.
Quel renforcement de la formation des bénévoles, notamment via le Fonds pour le Développement de la Vie Associative ? Quel appui à l’essaimage d’initiatives telles que :
- Les Ambassadeurs du Développement Durable (abstraction faite de l’oxymore) ;
- Fresque pour le Climat ;
- Conversations Carbone… ?
A nouveau dans le champ de l’agriculture, quelle mise en débat de propositions telles que celles de :
- Afterres 2050 ;
- et des Greniers d’Abondance
Quelle évaluation et communication des risques ?
Enfin pour l’anecdote, quelle part de la population connaît le phénomène d’entropie ?
3 – Une participation citoyenne de proximité.
Afin de favoriser l’appropriation et l’acceptabilité des politiques environnementales, la participation citoyenne a été encouragée, les initiatives se sont multipliées ces dernières années. La Convention Citoyenne pour le Climat a confirmé, si besoin était, la capacité d’un groupe de citoyens à se saisir de sujets complexes. Ses propositions sont à présent confrontées à la difficulté de leur mise en œuvre. Une déclinaison locale de cette démarche a été évoquée.
Plus important encore serait de systématiser la participation au niveau local, dans une logique de concertation permanente. En 2016 le Conseil National des Villes recommandait de généraliser les fonds de participation des habitants (FPH).
En 2017, la Région Hauts-de-France a transformé ses ex-FPH en Projets d’Initiative Citoyenne. Les projets doivent s’inscrire dans une dizaine de thématiques dont transition écologique, circuits courts, innovation sociale, insertion par l’économie…
Articulant Région, villes-intercommunalités, associations gestionnaires et citoyens, ce type de dispositif pourrait être un support très favorable à la massification de la transition citoyenne, en particulier dans les territoires les moins favorisés. Notamment pour des projets d’agriculture urbaine, lutte contre la précarité alimentaire, pratiques de consommation économe… sans nécessiter une ingénierie trop complexe et en appui des démarches d’éducation populaire évoquées plus haut. Les moyens financiers requis seraient à mettre en regard des bénéfices attendus en termes de cohésion sociale.
Dans un contexte de plus en plus contraint, ouvrir des perspectives à la fois attractives et réalistes s’apparentera à un sport de haut niveau, voire extrême.
Nous sommes entrés dans une période confuse, faite de controverses sur l’appréciation des risques et les réponses envisageables. En manque de repères, l’époque est propice aux nouveaux prophètes, au développement des peurs (et des business qui vont avec), à la multiplication des gages de bonne conduite lavant plus vert que vert… le tout dans un contexte de défiance marquée vis-à-vis des institutions.
Alors que les mesures d’hygiènes sont d’actualité, seule une grande hygiène du débat public permettra de créer les conditions propices aux « confrontations fructueuses » chères à Laurent Mermet. Recourons avec précaution aux inventaires qui fleurissent et invitent à distinguer les activités utiles et les activités indésirables, car derrière ces dernières, il y a des gens. Ces exercices de tri pensent évidemment à faciliter les transitions et peuvent contribuer à identifier des secteurs amenés à se réinventer voire gérer un déclin. Mais sans y prendre garde et en schématisant un peu, des tensions pourraient apparaître entre, d’une part des populations relativement préservées « éco-engagées » et d’autre part des populations fortement impactées par la crise actuelle, qui seraient de surcroît invitées à changer de métier.
Refusons absolument une écologie d’inquisition, qui distinguerait sans nuance les « protecteurs » et les « destructeurs », les gentils et les méchants. La transition est un exercice de tempérance à tous points de vue.
« Un autre monde est possible », c’est certain. La mise en perspective historique proposée par Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz dans l’Evénement Anthropocène (Le Seuil, 2013) rappelle utilement le poids déterminant d’intérêts économiques sur des choix de société majeurs, aménagement des territoires, codes culturels… L’ouvrage souligne aussi que « le moment contemporain n’est pas celui d’une prise de conscience, ni celui d’un sursaut moral conduisant vers une humanité meilleure et une bonne planète faite de géogestion durable ou de réconciliation avec Gaïa. (…) L’un des aspects déterminants de l’Anthropocène fut la capacité à rendre politiquement inoffensives les dégradations et les critiques… ».
Les auteurs concluent sur une invitation à « reprendre politiquement la main sur des institutions, des oligarchies, des systèmes symboliques et matériels puissants qui nous ont fait basculer dans l’Anthropocène ». Ce qui passera par des rapports de force et un gros travail autour de la notion de bien commun…
En démocratie, cela consiste à construire des programmes susceptibles de remporter une adhésion majoritaire et applicables en situation de responsabilité. Dans un contexte de plus en plus contraint, ouvrir des perspectives à la fois attractives et réalistes s’apparentera à un sport de haut niveau, voire extrême. Souhaitons bon courage à celles et ceux qui s’y emploieront.
Merci à mes collègues qui ont tapissé les toilettes du bureau de diverses planches dessinées, dont les Shadoks, à voir ou à revoir : Les Shadoks – Edition intégrale, 29,90 €. Saisons 1 à 4 (11 heures 30 de programmes), en vente sur le site de l’INA (Institut national de l’audiovisuel).
Crédit photo : Travel mania/shutterstock.com